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Ce fut long. Très long. Super, méga, giga, ultra long. Déjà, il n'y avait que des champs et des arbres. Pas le moindre panneau publicitaire à railler. Pas non plus de notification sur le téléphone vu que ses anciens amis étaient en fait de gros abrutis. Il s'était vite trouvé à court de sollicitations.

Alors, il avait repensé au monde. Celui qui va mal. Celui que la vie quitte davantage chaque jour, sous l'oppression du genre humain. Les élevages hors sol. Les pesticides partout. Les abeilles qui se faisaient buter par des frelons asiatiques. Des moustiques plus gros que le point qui te refilaient la dengue, le chikungunya, le zika et autres maladies terribles.

Il s'en ouvrit à John qui, pour seule réponse, accéléra le pas jusqu'à ce que Noah n'ait plus assez de souffle pour parler. Sacrénom ! Il voulait qu'il fasse une crise cardiaque ? C'était ça, son plan, après l'avoir défendu ?

Noah manqua d'oxygène pour penser davantage, alors ses yeux perdirent leur concentration et il avança le long du chemin, en silence. Son corps prit le dessus sur son mental.

Le vent était chaud et doux. Les grillons crissaient dans les hautes herbes à en faire vrombir les oreilles. Il y avait quelque chose qui lui chatouillait les narines. Des vautours — euh, des buses — volaient haut dans le ciel parsemé de nuages blancs, au-dessus d'un troupeau de moutons. À côté de celui-ci, une grande tente : leur destination.

Pas de béton, pas de barbelés, pas de caméras ni de tracteurs visibles. Un vieux poteau électrique d'où partait un câble jusqu'à la tente, c'était tout. En lieu et place d'un panneau géant pour souhaiter la bienvenue, un gros chien leur aboya dessus. Le son était rauque, il faisait trembler Noah.

— C'est Bléchon, indiqua John. C'est un patou, alors ne t'approche pas à moins de cinq mètres et ne le regarde pas dans les yeux. Il a un caractère pire encore que ma sœur.

Noah avisa la puissance du bestiau et nota d'en rester éloigné le plus possible. Il ralentit l'allure pour laisser John passer devant. Mais qu'est-ce qu'il était venu faire là ?

Une femme sortit de la tente et s'approcha du chien. Elle avisa les deux ados, donna un bout de viande au molosse qui alla le manger plus loin.

— Bonjour madame Vespi ! s'annonça John. Ça fait une paie, hein ?

— Jonathan ! Comme tu as grandi ! Avec un sacré coquard en plus ! s'amusa-t-elle avant de le prendre dans ses bras. Et tu dois être Noah ?

— C'est moi.

Elle lui tendit la main. L'expression de Noah se crispa alors qu'il bougeait son bras avec sa main pendant au bout.

— Oh, pardon ! J'avais oublié ce détail. Venez !

Elle se dirigea vers la tente.

— Tu sais qu'il n'avait jamais fait de randonnée ? le balança John.

— C'est pas vrai ? sourit-elle.

— Oui, bon, ça va, hein !

— Son trajet le plus long, c'était jusqu'au centre-ville !

— Quelle aventure ! se moqua-t-elle gentiment. Il va y avoir du changement, alors !