Noah tentait d’empiler ses vêtements propres sans les couvrir de bave. Il balançait les autres dans la panière à linge qu’il avait ramenée, mettant un point d’honneur à ne pas dépendre de Marise pour apporter tout ça à laver. Il y parvint peu avant le déjeuner. Il renonça à l’idée de verser la lessive par lui-même et dut appeler son amie à la rescousse.
— C’est affligeant quand même, lui dit-elle. Même un truc aussi simple devient pénible. Enfin, pour toi, je veux dire. Toujours pas d’idée de comment récupérer tes mains ?
— Si seulement… Cet après-midi, je testerai la pierre de la rivière, pour voir si elle parle.
— Eh oui, après les tortues et les nains, tu vas parler aux pierres. Si je m’étais trouvée ailleurs, j’en rirais.
— Et toi, tu progresses ?
— Euh… Allons voir si t’as bien tout ramassé avant de lancer la machine.
Elle s’enfuit vers la chambre. Les lits étaient faits, presque bien, et une seule pile de linge trônait sur le coin de celui de Noah.
— Eh ben tu vois quand tu veux…
Noah fit la moue. S’il avait cru qu’il ferait ça… pour quoi ? Pour lui faire plaisir ?
Marise planta son regard dans le sien et lui dit :
— Plus qu’une chose à présent.
— Encore un truc ?
Les yeux de Marise s’emplirent de tristesse, presque larmoyants, et elle lui adressa sa plus belle moue de quémandeuse. Il se laissa naturellement prendre dans ses filets, adoucissant son propre regard. Elle demanda :
— Tu me prêtes ton smartphone ?
Noah cligna des yeux. Il bogua quelques secondes.
— Euh, pourquoi ? Enfin, je veux bien, mais il n’y a de réseau. Il est dans la poche de mon sac à dos, sous le lit.
Marise se réfréna visiblement de bondir sous le lit pour en tirer le sac. Elle soupira au contact du téléphone dont la vitre était fendue. Elle l’alluma presque avec révérence. Noah lui donna son code.
Aucun signal.
Marise se laissa tomber sur le lit, abattue.
— J’en peux plus ! gémit-elle. Comment on peut vivre sans ce putain d’internet ?
Noah s’assit au bord du lit alors qu’elle commençait à pleurer. Aussi adroitement que possible, il manipula son bras pour que sa main pendante caresse les cheveux de Marise. Elle frissonna à son contact, mais le laissa faire. Il n’avait aucune sensation de ce qu’il faisait, alors il ramena son bras à lui et soupira, courbant son dos comme un bossu.
— Probablement aussi mal qu’avec des mains mortes, soupira-t-il.
Marise se décala sur le lit, puis l’attira en arrière. Il se laissa aller pour trouver le contact du matelas, puis leurs épaules se collèrent l’une à l’autre.
Ils s’abîmèrent dans le silence.