— Alors, les cadavres t’ont laissé remonter à la surface ? demanda Marise à Noah.
— Les cadavres ?
Noah, la tête dans le pâté puisqu’il venait de se lever, réfléchit, puis comprit :
— Ah, ouais. Enfin non, je n’ai pas eu affaire à eux. Je me méfie maintenant, il y a tant de trucs impossibles qui m’arrivent.
— Comme quoi ? demanda-t-elle avec innocence en sirotant son thé.
Noah tira la chaise avec un adroit jeu de jambes et s’assit en face de Marise.
— Comme une furie devient attendrissante.
— Oh, petit coquin ! sourit-elle. Tu ne t’en sortiras pas avec si peu. Raconte-moi ce qui t’es arrivé là-dessous.
Noah hésita. Bah ! Ce ne serait pas pire que d’avoir des mains mortes.
— J’ai vu mon cœur.
— Genre, t’as plongé dans ta cage thoracique et tu l’as vu battre ?
— Genre j’ai revu toutes les merdes qui me sont arrivées depuis ma naissance. C’était une mégatempête, et il y avait une dame qui me tenait en place pour que je ne m’envole pas. Il y avait des trucs tout nazes, genre quand j’étais un mioche et qu’une bougie était restée allumée sur mon gâteau…
— Ah ouais, gros traumaaaaa…
— C’est ça, fous-toi de ma gueule ! répliqua Noah sans pouvoir s’énerver. Bref, j’ai passé mon temps à trier mes souvenirs et à me dire que tout ça n’avait aucune importance.
— Et ça t’a pris aussi longtemps ?
— Je ne sais pas. À la fin, il y avait d’autres choses derrière. Des choses qui, juste à les apercevoir de loin, n’étaient pas des petits caprices d’enfant. C’était flippant.
— Qu’est-ce que c’était ?
— Je ne sais pas, je me suis barré.
— Comme ça, pouf ?
— Comme ça, oui, je me suis réveillé. Il était minuit passé. Tu dormais déjà, ça n’avait pas l’air de trop t’inquiéter.
Marise rougit un instant avant de se contrôler et de répartir :
— Nan, t’étais en bonne compagnie là-dessous. Ils ont l’air d’avoir quatre cents ans, ces tombeaux…
— Possible, ouais. Tu crois que c’est qui, dedans ?
— Je sais pas, on va voir ?
Ainsi se retrouvèrent-ils à dépoussiérer les plaques des quatre tombeaux. Marise lut le premier :
— “Arvin Amaégoh Sarah, archimage du Croissant doré, pourfendeur de la lumière, céleste accusateur.” Il n’y a pas de date. On est vraiment dans une crypte de mages ou juste de déjantés ?
— Et qui construirait une maison sur une crypte ? Voyons le deuxième : “Rosmarie de la Haie, sainte druidesse de la Lune obscure, maîtresse des loups, gouvernante des arbres sacrés.” Tout un roman.
— Ah bah celui-là, ce n’est pas dans notre alphabet. Et voilà le pompon : “Gilbert, pourvoyeur du Chaos et facéties en tout genre, colonel, troisième strate infernale, régiment des maléfices.”
— Ça n’a pas l’air d’être sa famille, si ? demanda Noah.
— Qui sait ? Il est bien barré, l’Alphonse. Peut-être qu’il a un titre du genre : grand regard des hiboux, sourire intransigeant niveau dix-sept…
— Ouais, ou dompteur de lapins échappés !
— Ta gueule Noah. Ne me rappelle plus cet épisode.
— Aussi longtemps que tu supportes mes fringues sur mon lit.
— Nan, ça c’est un autre domaine. In-com-pa-rable.
— Tu veux une carotte ?
Marie éteignit la lampe et déguerpit vers la sortie. Noah réagit vite, mais la lueur verte n’était pas idéale pour courir, et quand il arriva au sommet, la bibliothèque se refermait déjà.
— Noooon ! Marise ! Rouvre-moi !
— Que dalle. Tu veux sortir ? T’es pas bien avec les reliques ?
Noah tenta de pousser le meuble, mais la peste tenait bon.
— Ouais, maintenant que je sais qui c’est, ils fichent les jetons !
— Que si tu ranges tes fringues.
— Mais bien sûr !
— J’attends.
— Tu t’épuiseras avant moi, j’ai une chaise en bas.
— Pari tenu.