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Noah tombait dans le puits. Il ne voyait rien. Il avait la boule au ventre. Il fallait être complètement barré pour sauter dans un puits sans fond.

La chute s’éternisait. Noah devait faire quelque chose, mais quoi ? Théo avait parlé de trouver du soutien. Quelque chose qui le porterait, donc.

Quelque chose le porta.

La chute cessa.

Il repartit vers le haut, catapulté, traversa la forêt et le ciel au-dessus, s’engouffra dans un nuage et y resta coincé.

De noir, son monde venait de virer au blanc.

— Bon sang, c’est de plus en plus perché, cette histoire…

Devant lui, une femme d’âge mûr apparut, assise sur un trône cotonneux. Ses cheveux argentés cascadaient en longues boucles sur ses épaules dénudées, puis sur sa poitrine généreuse que compressait un corset. Elle se tenait le dos bien droit, une jambe croisée au-dessus d’un genou, exhibant les hautes bottes qui remontaient son pantalon. Ses yeux émeraude rayonnaient d’intérêt et captivèrent le regard de Noah, emportant avec majesté le combat contre ceux-ci, qui souhaitaient dévorer le reste de la somptueuse féminité exhibée devant eux. Il se sentit aussitôt entouré d’un amour immense. S’il avait été moins puissant, s’il n’avait pas senti qu’il perforait chacun des pores de sa peau, il l’aurait dit maternel. À présent, il ne savait pas trop.

— Inconditionnel, Noah, l’éclaira-t-elle d’une voix suave. De celui-là même qui soutient l’univers. Celui dont tu manques tant, comme presque tous tes semblables.

Malgré l’importance du propos, l’esprit de Noah était bloqué sur une idée : il ne manquait à cette dame que des oreilles pointues.

— Voyons, Noah, le gourmanda-t-elle. Les elfes vivent dans les buis, pas dans les nuages. Tout le monde sait cela.

— Je ne sais plus ce que je dois croire, moi. Des nains, des licornes… pourquoi pas des elfes dans les nuages ?

— Parce qu’ils veillent à l’épanouissement de la nature et ne voient dans le nuage que le transport de l’eau nécessaire au cycle de la vie. Il ne leur viendrait pas à l’idée d’y habiter.

— Si vous le dites. Où suis-je ?

— Très profondément au-dedans toi.

— Et, euh… vous habitez au-dedans moi, dans un nuage que je garde dans mes poumons ?

— Pas tout à fait. Tu n’es pas défini par ton corps, Noah. Ton corps est ton transport dans la matière terrestre. Il est l’interface entre celle-ci, ton âme et ton esprit. Il a connu ton âme avant que ton esprit naisse et lui est fidèle. Quand ton esprit s’égare, ton corps te le fait savoir.

— Je dois être sacrément égaré pour qu’il me prive de mes mains.

— Ah oui, concernant ce point, il ne fait que répondre à une injonction supérieure.

— Supérieure ? De mon âme ?

— C’est un peu plus compliqué que cela… Prends un siège, profite du nuage.

Noah vit un fauteuil se former à côté de lui et s’y installa. Il était si moelleux qu’il s’y endormit.