Noah errait dans la maison, perdu dans ses pensées tourbillonnantes. Marise, ses mains à lui, sa vie à lui, sa vie à elle, leur vie. Ce qui se passait dans cette maison, dans leur solitude réciproque, le déstabilisait profondément. Il ne pouvait plus rester les bras ballants à s’apitoyer sur son sort. Ni Caroline ni le Nain ne lui avait offert de grand élan de sagesse. Ou plutôt, leur sagesse était hors d’atteinte : Noah ne comprenait pas ce que signifiait « prends la vie pour ce qu’elle t’apporte, nourris la joie en toi et ton chemin s’ouvrira ».
Depuis tout à l’heure, il passait et repassait devant la bibliothèque. Il y avait quelque chose de troublant à son sujet, mais la pensée demeurait à la périphérie de sa conscience. Il avait regardé toutes les tranches des livres, et rien ne l’avait inspiré. C’est alors qu’il remarqua une fissure derrière le meuble et comprit qu’elle dissimulait un passage.
Devenu spécialiste de la préhension par le biceps et le bras, Noah eut tôt fait de faire coulisser le meuble. Un escalier tout juste assez large pour un homme, d’un mètre quarante de plafond, s’enfonçait dans l’obscurité. Il lui semblait distinguer une lueur verte, diffuse, en contrebas.
Noah haussa les épaules et descendit précautionneusement.
L’humidité augmenta et les lichens tapissèrent les murs. Leur fluorescence semblait la seule source de lumière dans la crypte qui se révéla. L’escalier donnait sur une salle circulaire autour de laquelle étaient creusées cinq alcôves, chacune accueillant un tombeau. Au centre, un piédestal avec un calice, et trois petites tables rondes de bistrot couvertes de fioles aux couleurs variées.
Noah avança à pas prudents, faisant le tour de la pièce. Il manqua trébucher contre les étagères de bouteilles de vin qui s’alignaient sur le mur du fond.
On n’y voyait goutte, juste de quoi distinguer une ombre d’une autre. Un léger courant d’air apportait de la fraîcheur et la terre brute sous ses pieds exhalait l’humus.
Il buta contre une chaise qui partit à la renverse. Désormais adroit avec ses pieds, Noah la remit debout et décida de s’y asseoir.
Il flottait dans la pièce une sérénité à laquelle il n’avait jamais goûté.
Lorsqu’il ferma les yeux, il se retrouva au cœur de la forêt primordiale. Puis le monde autour de lui s’effaça dans l’obscurité, et sa conscience glissa avec.