— Oui ? demanda Noah.
— Tu as besoin d’aide ?
Noah ne lui connaissait pas cette voix douce et soucieuse. Il était assis, larmoyant, dans son bac à douche. L’eau avait fini de ruisseler sur le jeune homme misérable qu’il était devenu sans ses mains.
D’une voix enrouée, il répondit :
— J’aimerais que non… Je…
Sa voix se brisa et les pleurs le submergèrent à nouveau. La peine qui l’habitait semblait sans fond, si bien que ses sanglots n’évacuaient que le bouillon à sa surface.
Avant qu’il s’en rende compte, un drap de bain lui enveloppa les épaules. Marise se tenait devant lui. Il rencontra son regard. Dans ses yeux marron, il ne trouva pas la pitié qu’il escomptait ; il n’y lut que de la compassion. Elle le prit par les épaules et, avec autant de tendresse que de fermeté, elle l’aida à se relever et à sortir de la douche.
Noah se laissa faire. Elle lui tamponna un peu le dos, puis l’enserra par-derrière. Le geste surprit le garçon, mais une fois encore, il se laissa faire. À quand remontait la dernière fois qu’il avait ressenti une telle tendresse ? Il ne savait plus.
Il sentait le souffle de la jeune femme dans son cou. Il se détendit. Les larmes cessèrent de raviner ses joues.
D’une voie douce et menue, elle lui demanda alors :
— Qu’est-ce qui t’est arrivé aux mains ?
— J’ai tenté de me suicider.
Le silence s’installa et, pour une fois, il parut aussi doux qu’un duvet.
— Des deux côtés ?
Noah remonta son poignet gauche pour montrer la marque à l’intérieur.
— Un seul, mais l’autre a cessé de répondre en même temps.
— Sacrée cicatrice. Comment t’as survécu ?
— Personne ne le sait.
Noah se souvint des cris de Marise au bord de la rivière. Il demanda :
— Et toi ? Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
— J’ai avorté.
Noah déglutit avec peine, mais le silence ne se fit pas froid pour autant.
— Et genre, c’est mal ? demanda-t-il.
— Il paraît. Ma mère ne m’a plus adressé la parole depuis.
Silence.
— Elle a fini par m’envoyer ici. Je pense qu’elle ne supporte plus de me voir. Elle m’a privé de mes véritables soutiens, que je trouvais sur le net. Tu sais, des gens qui comprennent, qui sont passés par là, et qui disent tout le bien que c’est. Ce “ramassis de gauchistes qui ont de la guimauve en lieu et place du cerveau”, a-t-elle dit. Ma mère. Cette salope.
Silence.
— Et toi, demanda Noah, tu en penses quoi ?
— De quoi ?
— D’avoir avorté.
Silence.
— Je m’en veux. J’ai privé un être d’une vie.
Elle sanglota. Sa prise sur Noah se relâcha et il se retourna pour la prendre dans ses bras et la serrer contre lui. Après un moment, il devisa :
— Alors, on est deux à chercher ce qu’est la vie.