Des pas de course et un cri détournèrent les deux adolescents de la licorne. Marise, essoufflée, les joues rouges, leur lança :
— Putain ! Je vous retrouve, bande de bâtards !
Elle dut reprendre une longue inspiration.
— Alphonse est furax ! Il y a un lapin qui s'est barré, je l'ai pas retrouvé ! C'est de votre faute !
— Quoi ? cria John en se levant tout à coup. T'en as laissé un sortir ? Il est parti où ?
— Il est passé sous le clapier, et après je l'ai pas retrouvé ! C'est de ta faute aussi, tu t'es barré sans fermer !
— Mais t'étais devant la porte, comment t'as pu le laisser sortir ? Vite !
Sans attendre, John courut vers le clapier. Marise, qui s'était visiblement attendue à une grande passe d'insultes réciproque, resta bouche bée. Elle se reprit très vite et, dans un accès de colère, lui emboîta le pas. Noah savait qu'il devait les suivre. Mais il y avait la licorne à côté.
— Bordel ! jura-t-il. J'ai vraiment envie de t'écouter, mais avec ces deux cinglés, si je ne pars pas, je suis foutu. J'ai trop besoin d'eux, mais je veux t'écouter. Univers à la con !
Il attendit durant trois secondes d'un insupportable silence avant de s'élancer à la suite de ses camarades.
John sondait le tas de bois derrière le clapier à la recherche du lapin, tandis que Marise errait sans grand espoir dans le jardin. Alphonse n’était visiblement pas là ; elle avait raconté des cracs.
Une sacrée fille à problèmes, celle-là.
— C’est ça quand on a des mains ! répliqua le Nain. Ils ont l’air d’avoir du mal à trouver le lapin, héhé !
— Tu peux m’expliquer en quoi c’est drôle ?
— Regarde-les, à chercher de-ci, de-là, à appeler un lapin qui les entend très bien, mais qui voit de la bouffe tout autour de lui. Ne sont-ils pas comiques ?
Noah se détacha de la situation et observa la vaine agitation de Théo et de Marise. Un sourire naquit sur ses lèvres.
— Eh, Noah ! lança Théo. C’est quand tu veux que tu nous donnes un coup de main !
Noah sursauta, revint à la réalité des humains et se mit à chercher tout en répondant :
— Ouep ! J’arrive, mais le Nain dit que ça ne sert à rien, le lapin ne veut pas rentrer tout de suite.
— On s’en cogne de ce qu’il veut, il va rentrer dans sa cage et basta ! répliqua Théo. Sinon on va se faire déboîter.
— Espèce de gros flemmard, murmura Marise tout juste assez fort pour que Noah l’entende.
La colère embrasa ses intestins. Il avait envie de lui crier dessus toute l’injustice qu’il ressentait, entre ses foutues mains qui ne répondaient pas, ces esprits qui trouvaient ça tout à fait approprié et personne qui ne le comprenait vraiment ! Mais il refoula son égoïsme, se rappela combien il avait besoin d’eux chaque jour, et chercha une forme de lapin sous le tas de bois.
— Là ! cria Marise.
Les deux garçons se redressèrent et, suivant l’index pointé, aperçurent le lapin qui bondissait dans le champ.