Noah laissa son ami à la vision qui l'absorbait, soit de quelque chose dans la rivière, soit dans le champ au-delà, et décida de regarder le fond de la rivière pour identifier la pierre dont lui avait parlé le Nain. Il commença donc l'inventaire des cailloux et des fines herbes qui tapissaient le lit. Rapidement, il n'en discerna plus les contours et sa vue se brouilla.
Il n'y avait rien.
Il se laissa tomber à genoux, dépité. Il fallait être un peu con, quand même, pour suivre une créature invisible jusqu'à une rivière dans l'espoir d'y trouver un caillou. Ou être en proie à un profond désespoir.
Tu ne vois même pas ce qui est devant ton nez. C'est ce qui se passe quand on s'apitoie sur son sort au lieu d'admirer la beauté de la nature.
— Parce que tu vois une pierre, toi ?
— Évidemment, ici, regarde.
— Oh ! s'exclama John, sortant Noah de ses rêveries. Ça alors ! Pousse-toi de là ! Je ne dois pas la perdre du regard, sinon je ne la retrouverai jamais.
Alors que John s'allongeait au bord de l'eau, Noah déguerpit en se retenant à grande force de tout commentaire et observa son ami remonter la manche de son vieux pull en laine, étendre son bras dans l'eau, serrer le poing et le ramener à lui, se retournant sur le dos avant d'ouvrir sa paume sur… sur une… un… cristal ? Le ruissellement avait fait fondre ses arêtes, mais elle avait un jour été taillée. Elle était d'un bleu profond, tachetée de zones presque grises, mais ce n'étaient pas des taches, c'était comme du marbre dans les palais. Certains points étaient même d'un rouge profond, ocre… Noah ne connaissait pas les bonnes couleurs, mais il savait reconnaître une putain de belle pierre !
— Elle était là…, soupira-t-il.
John le dévisagea quelques secondes, hésitant, puis dit :
— C'est le Nain qui me l'a montrée, il s'est mis pile au-dessus, comme s'il la pointait du doigt. Mais, Noah… Il y a un cheval qui a les quatre pattes dans la rivière, juste-là…
Noah cligna des yeux. Il regarda l'endroit indiqué par son ami. Il aurait pu rire, car il ne voyait rien. Pas plus le Nain que le cheval. Mais John avait trouvé la pierre.
John avait trouvé la pierre. Et pas lui.
John avait vu un cheval, puis il avait trouvé la pierre.
Lui, Noah, il s'était découragé comme une merde.
Alors Noah regarda, et avoua :
— Je ne vois rien, mais si tu le dis, je te crois.
— Je me demande ce qu'il dit, rêvassa John.
Noah lui devait bien cela. Il poussa son cœur dans une impulsion similaire à ce qu'il faisait avec le Nain, à la rencontre de l'éventuelle forme qu'il ne voyait pas, là, dans la rivière.
S'il y a un esprit qui ressemble à un cheval là, devant moi, j'aimerais l'entendre.
— Je suis une licorne, et je vais vous parler, Noah. À toi et à John.