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À son réveil, Théo était revenu. Le mec se trouvait toujours droit comme un i au bord de la chaise. Ses yeux étaient clos et sa respiration, légère. Noah crut discerner quelque chose irradier de Théo. Une aura ? Non, il se faisait des films.

Les paupières de Théo s'ouvrirent d'un coup, ses yeux émeraude braqués sur ceux de Noah. L'ado ressentit à nouveau un malaise, comme s'il pouvait perdre son âme en le regardant trop longtemps. Il détourna le regard.

— Tes mains ne bougent pas, annonça Théo.

— Qu'est-ce que t'en sais ? répliqua Noah plein de colère.

— Elles ne bougent pas parce que tu refuses d'interagir avec ce monde. Comment vas-tu embrasser tes parents sans tes mains ?

Une vague d'émotions submergea Noah. Jusqu'à présent, il avait oublié sa vie d'avant. Il n'y avait eu que son réveil dans cette chambre d'hôpital et cet étrange Théo, avec sa tête de sanglier bon marché. D'ailleurs, où était-elle passée ?

Noah la chercha du regard, comme pour éviter de penser au reste. Il la trouva sous la chaise.

Bordel ! Ses parents. Qu'est-ce qu'il allait leur dire ? Est-ce qu'ils voudraient encore d'un crétin de suicidé ? Étaient-ils vraiment là ? Pourquoi n'étaient-ils pas avec lui ?

— Mes parents ? S'ils avaient quelque chose à foutre de moi, ils seraient déjà là !

— Ils sont sédatés dans la pièce à côté, l'éclaira Théo. Ils ne voulaient pas se décrocher de ton lit, pas même pour manger. Ils risquaient de dépérir, alors les médecins les ont aidés à dormir.

Peur. Double dose. Au shaker, pas à la cuillère. Peur d'être effectivement revenu dans le même monde, dans le même corps, avec deux mains inertes. Peur de faire face à ses parents.

Ses mâchoires étaient si crispées qu'il en avait mal.

Il vit Théo se lever, avancer une main vers lui. Craignant une autre claque derrière la tête, Noah intima à sa main de monter en garde ; rien ne se passa. Il contracta les épaules. La paume de Théo se cala avec douceur sur son front. Elle était chaude. Il y eut comme du miel qui s'infiltra dans son cerveau et coula, enveloppa sa gorge, descendit dans ses poumons. Loin de suffoquer, tous ses muscles se relâchèrent.

C'était si bon. Noah ferma les yeux.

Il ne sut combien de temps s'était écoulé lorsqu'il les rouvrit. Devant lui, sa mère, les yeux rougis, tristes, apeurés et aimants tout à la fois. À côté, son père, voûté, les yeux larmoyants. Noah ne reconnaissait pas ses parents. Enfin, c'était eux, pas de doute, mais jamais il ne les avait vus comme ça, jamais il n'aurait cru qu'il pourrait lire une telle douleur, une telle inquiétude, un tel amour. Son père était presque toujours absent, à travailler pour avoir de quoi payer le loyer. Sa mère bossait dur aussi, pour qu'ils aient à manger.

Noah se sentit comme une merde. Une émotion titanesque emplit sa gorge, déborda dans ses yeux, secoua ses poumons. Il pleura. Comme un enfant. Comme un humain.

Ses parents l'enlacèrent tous deux dans leurs bras, l'étreignirent comme s'ils ne le croyaient pas tangible. Ils serrèrent si fort pour qu'il ne disparaisse pas. Pour qu'il reste avec eux.

Ils pleurèrent aussi et, à travers les sanglots, la famille se recomposa.