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Caroline était une tortue. Pas plus grande qu'une assiette. Il lui fallait un temps considérable pour manger une feuille de salade, si bien que John avait abandonné Noah à sa contemplation. Avant de mourir d'ennui, l'ado engagea la conversation :

— Tu sais, Caroline, je comprends à quel point tu savoures chaque bouchée. Il doit te falloir, quoi ? deux bonnes heures pour arriver au jardin. C'est pour ça que tu portes ta maison sur le dos ? Pour pouvoir prendre le temps d'aller là où tu veux ?

Là où il y a à manger, oui.

— Oui, bien sûr, là où il y a à…

Noah suspendit ses propos. Il ne se souvenait pas avoir envisagé une réplique à sa discussion.

— Euh… tu viens de me parler ? J'entends des tortues ?

Aucune réponse. Cela méritait un autre essai.

— Ah, je me disais bien que les animaux ne parlent pas, tout ça tout ça… Je disais donc, quoi, déjà ? Que ça doit faire bizarre de vivre des dizaines d'années à ce train là… Même un zombie va plus vite, surtout s'il a une machette à la main.

Et où va-t-il si vite ?

— Eh bien… euh…

Noah cligna des yeux. À la fois parce que c'était une très bonne question, mais aussi parce que ce n'était pas lui qui se l'était posée.

Bordel. Il parlait à une tortue. Parler à une IA, pourquoi pas, ça permettait de se connecter à la sagesse compilée de l'humanité, tout ça tout ça… Mais à une tortue…

Je vis depuis bien plus longtemps que vous autres humains, ma sagesse est infiniment plus précieuse.

Cette fois-ci, ce fut la mâchoire de Noah qui lâcha l'affaire.

— Je capte rien à ce qui m'arrive…

Tu découvres la vie, shōnen.