Noah se tenait en face du miroir de la salle de bains, une lame de cutter entre le pouce et l'index. Ses mains tremblaient. Son cœur martelait un rythme irrégulier. Il pressait ses lèvres l'une contre l'autre dans une tentative de trouver le courage de passer à l'acte. Ce monde, cette vie, c'était de la merde. On allait tous crever, très bientôt. Le réchauffement climatique allait tout foutre en l'air. L'être humain avait massacré presque tous les animaux et, à présent, même les plantes crevaient, jaunies, desséchées par les fortes chaleurs puis arrachées par les inondations.
L'adolescent releva le menton, se regarda dans les yeux. Ils étaient bleus, recouverts d'un voile qui aspirait tout espoir.
Il était à bout.
Entre ses doigts, il tenait son échappatoire. Une lame neuve, effilée, classique et parfaite à la fois. Il la scruta, elle reflétait la lumière blanchâtre des LED du plafonnier.
Le temps n'avait plus d'importance. Sa seule issue, dans ce monde de merde, serait par le sang. Le sang qui s'écoule, la vie qui s'enfuit, les angoisses qui s'évanouissent.
Il se sentait seul. Seul à comprendre la réalité de ce monde hideux, seul à voir combien les adultes s'en foutaient, combien le gouvernement s'en foutait, combien les pétroliers s'en foutaient. Encore ce matin, il avait regardé les statistiques du trafic aérien. Ah ! La pandémie n'avait pas suffi. Tous ces crétins qui prenaient l'avion encore plus qu'auparavant, pour « voir tant que c'est possible, avant qu'on ait tout détruit ». Bande d'abrutis. La responsabilité est individuelle, elle est collective. Il n'avait que quatorze ans, et pourtant il le savait. Rien n'arrêterait la folie des hommes. Sa vie n'avait aucun sens. Il n'y avait que le déclin devant lui. Que la mort. Au bout du fil.
Il était temps d'en finir.
Il se regarda une dernière fois dans le miroir.
— Adieu, monde de merde.
D'un geste vif, il sectionna les artères de son poignet gauche.
Les larmes déferlèrent sur ses yeux. Toute la misère du monde se coinçait dans sa gorge, incapable d'en sortir. Il sentait un fluide chaud couler le long de sa main. Quelque part au fond de sa conscience, il sentait que ça giclait.
La vie le quittait.
Pas une fois, il ne pensa à ses parents, à ses amis.
Il était seul.
Résumé : Noah, qui se sent seul à comprendre de monde et le désastre climatique, renonce à sa vie et s'ouvre les veines.