Je suis force divine. Je suis sur Terre pour expérimenter la dureté de la matière et la ferveur des passions charnelles. Je suis sur un chemin de lumière.
Il est ombre. Lui qui était mon astre, lui que j’ai investi du Soleil. Il est ombre. Avalé par la réalité de sa vie. Aspiré par ses défauts, par sa lâcheté. Il était Soleil, puis il s’est fait gober. C’est dur. C’est ainsi. Je ne peux rien pour lui, quand bien même suis-je d’essence divine. Car mon chemin à moi est lumière. Je ne peux en sortir, car ce serait trahir mon âme, je le sens. Je suis sur cette lumière qui me brûle les poumons, cet air dans lequel je suffoque sans mon Soleil. Je me tiens debout, droite, intègre, fidèle. Toute ma passion est là, au-dedans moi. Toute ma passion est là, et elle cherche en vain à le retrouver, lui qui est devenu ombre.
Il n’y a plus rien à trouver. Il a disparu. Perdu. À jamais. Il s’est perdu lui-même, je ne peux plus rien pour lui. Ma passion doit trouver un autre exutoire. Elle doit sortir.
Je crie. Je hurle. Le son se propage, fuyant la lumière pour conquérir les ombres. Espoir de le faire sortir.
Rien ne répondra, je le sais.
Je suis intègre, fidèle.
Je sais que je dois passer mon chemin. Je scrute les ombres. Rien ne revient. Mon Soleil est perdu. À jamais.
Je crie. Je hurle.
À travers mes larmes, je regarde devant moi. Ce chemin, mon chemin, est lumière. Il est jalonné de belles rencontres, de magnifiques expériences dans la matière.
Bordel ! Pourquoi n’est-il pas resté Soleil à guider mon chemin ? Un chemin à deux, celui j’avais imaginé. Pourquoi ? Pourquoi aussi mon chemin ne s’est-il pas rétréci ? Pourquoi ne brille-t-il pas moins fort ? Pourquoi sentissé-je soudain un peu moins de passion dans mes poumons ?
La brûlure devient chaleur. La lumière devient amour. Cet amour est différent de celui que je tiens en moi. Il paraît tellement plus vaste, plus complet, plus doux. C’est un amour qui ne me brûle pas ; il m’apaise. Il est là, tout autour de moi. Il m’enserre comme un plaid frais et doux. Il apaise mes maux. Il est résonance de l’univers. Il est la puissance divine qui fait écho à la mienne. Je respire. Mes saccades s’atténuent à mesure qu’il entre en contact avec ma peau. Il est comme un fidèle allié, un soutien inconditionnel, une douceur incarnée, une tendresse infinie. Il m’apaise. Je sais que cet amour universel est à moi, or je rechigne tant à le prendre.
Je suis fidèle, intègre. Fidèle. À mes rêves, certainement. À mon Soleil, je ne le puis plus. Il m’a trahie. Voilà, c’est dit. J’ai été trahie par le Soleil de ma vie. Putain ! C’est dur. J’ai été trahie par sa lâcheté, et il s’est réfugié dans les ombres. C’est insensé. Et moi, je suis là, dans la lumière, fidèle, intègre, et seule. Putain de seule ! Et je suis au bon endroit. Je suis là où je dois être, sur mon chemin, fidèle à mes valeurs. Je sais que je vais avancer.
Je coule un regard vers les ombres. Je les sonde. Rien. Rien ne viendra plus.
Tout en moi est froissé à cette idée. Alors, je prends une grande inspiration et, de mes deux mains, je m’ouvre la cage thoracique.
Oh putain ! Ce qu’il est beau, mon cœur qui bat. Je ne peux m’empêcher de lui faire un bisou. Tout autour s’amoncelle une masse noirâtre. Je la prends, source de douleur, passion vinaigrée. C’est tout suintant, dégueulasse. C’est ce que feu mon Soleil a créé en moi. Ce n’est pas moi. C’est du fait de son intrusion dans le monde merveilleux que je nous avais dessiné.
Je me regarde.
Putain, même décortiquée comme ça, je suis belle ! Mes organes sont merveilleux. Ils rayonnent la pureté et l’amour. Il suffit d’enlever cette glaise puante.
Alors, je l’empoigne, je la sors. Je la jette hors de moi. Putain, c’est dur ! Je vois des fragments de rêve qui se barrent en même temps. J’en pleure. J’ai toujours le droit de pleurer. Pleurer, c’est rendre à l’univers une partie de ce qui a créé la vie. C’est merveilleux, de pleurer. Je devrais pleurer plus souvent, tellement ça soulage. Je pourrais pleurer de jour comme de nuit tout en avançant sur mon chemin de lumière, radieuse.
L’amour est là, tout autour. À peine la glaise touche-t-elle le chemin qu’elle s’évapore.
La vie est là, tout autour. Belle comme à chaque instant, s’évanouissant chaque seconde, simple souvenir et pourtant si palpitante.
Je poursuis un long moment mon rituel, jusqu’à ce qu’en moi ne restent que mes organes. Purs, splendides, apaisés.
L’air qui s’engouffre dans mes poumons alors que je referme mon abdomen est frais.
Mon corps se détend et j’observe. Je m’observe. J’observe ces pensées nostalgiques d’un Soleil devenu ombre. Un astre qui s’est abîmé, loin de moi à tout jamais. J’observe la vie qui coule en moi. Je trouve la paix. Je suis fière, fidèle, intègre, femme, mère, professionnelle, carriériste, et rien n’en privera. Je suis là, dans un monde qui ne prend sens que par les épreuves qui nous allègent de nos fardeaux. Je suis là et c’est cool. Je n’ai qu’à me reposer, là, maintenant. M’assoupir, plonger dans mes rêves d’enfant. Je laisse mon corps m’apporter la douceur. Je laisse mon esprit évacuer toutes les pensées indésirables.
Je rayonne la paix. Une paix éternelle qui, comme moi, est d’essence divine.
Je suis divine. Éternelle. Radieuse.
Je trouve en moi l’émerveillement et lui, et lui seul, m’entraîne sur mon chemin de lumière.
Ainsi va la vie, ainsi va ma vie, ainsi allons-nous…
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