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John avait une sœur. Il savait quand détourner les yeux, compatir, faire le gros dos ou s'opposer frontalement. Noah, quant à lui, se fiait à la sagesse de son ami alors qu'à la vérité, il n'y comprenait rien. Ç'avait l'air compliqué, les filles. Surtout Marise.

Au moins, quand la tortue n'était plus sur la même longueur d'onde que lui, elle mâchait sa laitue et faisait sa vie. Elle ne radotait pas le même reproche pendant des jours…

— Oui, bon, c'est bon, hein ! s'emporta Noah. C'est pas parce que mon t-shirt est tombé une fois sur ton futon qu'il faut m'engueuler dès que je change de vêtements !

— Ça n'arriverait pas si tu rangeais tes fringues au lieu de tout laisser traîner sur ton lit !

— Ouais ! Alors, quand tu sauras piler et ranger les tiennes avec tes pieds, tu m'apprendras, parce qu'avec les dents, ça fout de la salive partout !

Ainsi se résumait la bonne humeur induite par le partage d'une chambre devenue trop petite pour trois. Noah n'avait par conséquent jamais passé autant de temps en compagnie de Caroline, qui ne communiquait pourtant pas davantage qu'avant. Il y avait d'autres présences, mais Noah n'en entendait qu'une seule.

— Donc, le seul que j'entends, c'est le Nain. Les autres, je suis encore sourd.

Ton corps manque de sensibilité et ton mental t'étouffe. Ce n'est pas grave, car ce qui importe, c'est d'assimiler ce que t'a dit le chamane.

— Assimiler, assimiler… Je ne suis même pas sûr de me souvenir de ses mots. Genre “les joies de la vie sont simples”, franchement, qu'est-ce que ça veut dire ?

Ne te casse pas le ciboulot ! Sentir le soleil, le vent, respirer, savourer en bouche. Recevoir l'amour des plantes, des animaux. Des câlins. Une bonne poilade ! La joie de discuter avec nous, ajoute la fée que tu n'entends pas.

— Comment je fais, pour l'entendre ?

Crois-y.

— Mais alors, je peux inventer ce qu'elle dit, non ?

Oui, aussi.

— Alors comment je sais si c'est quelque chose d'invisible ou juste j'hallucine ?

Il te faudrait un pendule. Un avec une pierre. Viens, on va choisir la pierre, il y en a des bien vers la rivière.

— Mais je ne vois pas où t'es !

Tu apprendras à voir. Viens.

Noah se mit en route. Quand il passa devant les clapiers, il vit que John avait hérité du handicap de Marise pour leur nettoyage. À grand renfort de grimaces, de « ça pue ! » ou de « fais gaffe, il va se barrer ! », elle l'« aidait ».

— John, je suis un Nain, je dois choisir une pierre, mais je ne sais pas où il est, tu veux venir ?

— Et comment, mon pote ! Ouvre la voie !

Sans autre forme de procès, les deux garçons plantèrent Marise qui dut affronter la cage à moitié ouverte et gérer les lapins qui rêvaient d'explorer le champ.